« Auto Sport Suisse » en difficulté face à la crise ? Quand aura lieu la reprise des compétitions ? Entretien à « bâtons rompus » avec son directeur, M. Patrick Falk.

Organe faitier du sport automobile et du karting helvétique, Auro Sport Suisse Sàrl est également confronté à la crise sanitaire et ses conséquences sportives et financières. La « Fédération » n’est pas totalement maîtresse de son destin et des activités dont elle assure le bon fonctionnement. Quel avenir pour elle, quelle est sa situation financière, à quand la reprise des compétitons, qui maîtrise/décide quoi, pourquoi est-ce qu’elle souvent est mal perçue par les pratiquants ? Autant de questions auxquelles son directeur, M. Patrick Falk, accepte de répondre sans tabous à swissrally.ch.

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Ivan Ballinari – Giusva Pagani dernier Champions Suisse des Rallyes titrés. C’était en 2019 !

M. Falk, comment est-ce qu’on gère une fédération sportive alors que la situation impose de naviguer à vue sans « destination » connue ?

Dans la situation actuelle, pratiquement tous les secteurs de l’économie se trouvent dans une situation identique. Certains secteurs sont en mesure de profiter de l’évolution de la situation, d’autres conservent tout juste leurs acquis La majorité des entreprises perdent pratiquement tout et nombreuses sont celles qui sont au bord de la faillite. Nous opérons dans un environnement difficile et nous le savons. Nous essayons actuellement de maintenir le cap du navire et avons introduit diverses mesures à cette fin (dont le chômage partiel, le report des achats, etc.). 2020 a été une année extrêmement difficile pour Auto Sport Suisse à de nombreux niveaux et nos efforts ont principalement pour but d’assurer la survie de notre association. Contrairement à d’autres fédérations, nous nous sommes abstenus de lancer un appel à des « contributions de solidarité/dons » et avons même tenté d’offrir aux pilotes locaux, régionaux et nationaux un remboursement partiel de leurs droits de licence ainsi qu’une prime pour les droits de licence de 2021. Même si nous n’avons pas pu répondre à toutes les attentes, nous pensons que cela nous a permis de contribuer en partie au moral relativement bon des adeptes du sport motorisé. Ce n’est que grâce à l’attitude positive de la population en général, et des adeptes du sport automobile et du karting en particulier, que nous pourrons raisonnablement surmonter cette situation, qui est unique pour beaucoup d’entre nous.

Quelles sont les difficultés qu’engendre la situation sanitaire imposée par la COVID_19 pour Auto Sport Suisse ?

La principale difficulté réside dans l’annulation de manifestations en Suisse (courses de côte, slaloms, rallyes) et les déficits financiers qui en découlent pour les organisateurs, mais aussi pour Auto Sport Suisse. En plus des frais de participation aux manifestations, il nous manque notamment les revenus des licences locales, régionales et nationale car, là où il n’y a pas de manifestations, il n’y a pas non plus de pilotes engagés. La situation générale commence à peser sur l’estomac de beaucoup de personnes concernées et nous percevons parfaitement leur envie de pouvoir enfin pratiquer à nouveau le sport automobile. La question n’est pas de savoir comment nous pouvons à nouveau pratiquer le sport automobile en Suisse, mais quand !

D’un point de vue financier, vous avez dit que l’année 2020 avait été extrêmement difficile, ce que les licenciés ont de la peine à comprendre. Pouvez-vous nous dire comment est financé Auto Sport Suisse ?

Comme tout autre sport, Auto Sport Suisse est financé dans une large mesure par les revenus des licences. En 2020, environ 60 % de ces revenus ont été perdus, bien que la perte totale ait été évitée principalement grâce aux pilotes qui sont engagés sur le plan international. Parmi les autres sources de revenus figurent les frais d’organisation, la délivrance de passeports techniques et historiques pour les voitures et le sponsoring. D’autre part, il y a les postes de dépenses pour les assurances, la promotion des jeunes talents, la taxe sur la valeur ajoutée, les infrastructures, les loyers, le personnel, etc. Auto Sport Suisse n’est pas seulement une association, mais aussi un employeur et doit, à ce titre, assumer une responsabilité vis-à-vis de ses employés. Au total, Auto Sport Suisse fonctionne avec un budget annuel d’environ 1,8 million de francs suisses.

Compte tenu de la situation actuelle, faite encore de nombreuses incertitudes, est-ce que l’on doit s’inquiéter pour l’avenir d’Auto Sport Suisse sachant que les pertes de ressources financières s’accumulent ?

Nous espérons vivement qu’Auto Sport Suisse et, surtout, le sport automobile et le karting actif, survivront à cette situation avec le moins de dommages possibles. Les dépenses financières effectuées avec prudence au cours des 15 dernières années depuis notre fondation, nous permettent de vivre actuellement aussi en puisant un peu dans certaines réserves. En outre, nous avons pu tirer un montant à six chiffres du concept de stabilisation COVID 19 de swiss olympic et le répercuter en grande partie sur les organisateurs (taxes de calendrier 2021). Auto Sport Suisse va certainement pouvoir survivre à deux années similaires à 2020 avec l’annulation de pratiquement toutes les manifestations en Suisse. Après, les ressources financières commenceront probablement à s’épuiser et il faudra alors réfléchir sérieusement comment assurer notre existence au-delà de 2022/23.

Que diriez-vous aux licenciés de sports automobiles suisses qui ont tendance à percevoir Auto Sport Suisse comme un « obstacle » à leurs pratiques plutôt que comme un partenaire ? C’est rageant, non ?

C’est un phénomène bien connu non seulement dans le sport, mais aussi dans d’autres secteurs. Une fédération sportive a toujours quelque chose de « politique » et peut parfaitement être comparée au Conseil fédéral, au Parlement, aux commissions, aux cantons et aux communes. Tous ces organismes ont pour mission de promulguer des lois valides et de les faire appliquer par des mesures appropriées. C’est précisément aussi la mission d’Auto Sport Suisse. Un sport ne peut pas être disputé sans condition-cadres ni réglementations, sinon les différents participants se « crêperaient rapidement le chignon ». Nous avons non seulement le droit d’organiser et de réglementer le sport, mais nous avons aussi le devoir de contrôler l’organisation correcte et le respect des règlements. Le fait que nos pilotes ne soient pas d’accord avec toutes les décisions et directives est aussi évident pour Auto Sport Suisse que pour la politique, du niveau fédéral au niveau communal.  Cela s’applique d’ailleurs à tous les sports, mais certainement pas dans les mêmes proportions. Dans un sport de contact (football, hockey sur glace, etc.), il faut plus « d’ingérence » de la part de la fédération que, par exemple chez nous. Il est intéressant de noter que sur 100 cas, les licenciés, loin de se réjouir des 97 décisions positives, ont plutôt tendance à se montrer mécontents des 3 décisions négatives. Cela aussi est très humain…

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Toutes les disciplines sont dans l’impatience de la reprise des compétitions.

2021 a mal débuté avec, déjà, des annulations de compétitions automobiles. Avez-vous une idée de l’évolution de la position des pouvoirs publics concernant l’autorisation des manifestations sportives automobiles dans les prochains mois ?

Il est certain que les manifestations prévues au cours du second semestre ou reportées au second semestre ont plus de chances de se produire que celles de mars ou d’avril. En ce qui concerne les manifestations à venir, nous dépendons des décisions prises au niveau fédéral et les organisateurs locaux devront alors s’adapter aux circonstances de leur canton. Essayer en l’occurrence de prédire l’avenir, c’est comme lire l’avenir dans le marc de café. À mon grand regret, je ne suis pas un devin et je ne peux que me référer à l’évolution épidémiologique qui est appréciée par la Confédération. Cette dernière décide alors d’éventuelles adaptations/assouplissements.

Avez-vous des contacts et des échanges avec l’Office Fédéral des Sports sur le sujet ? De quelles natures ?

L’Office fédéral du sport n’est pas l’interlocuteur direct des fédérations sportives dans ce cas. Comme les 83 autres fédérations, nous sommes gérés par notre organisation faîtière « swiss olympic ». Cette organisation est en contact très étroit avec les représentants de la Confédération et de l’OFSP. Les éventuels assouplissements et ajustements sont également discutés à ce niveau et coordonnés avec les fédérations dans chaque cas. Actuellement, les évaluations se concentrent sur le sport professionnel et le sport des jeunes et ne concernent donc aucune des 3 disciplines automobiles principalement pratiquées en Suisse (rallye, courses de côte et slalom). Dans le secteur du karting en plein air, nous apercevons la lumière au bout du tunnel et nous pensons que les courses pourront y être disputées plus tôt que dans le secteur automobile.

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La croissance constante du VHC apporte de l’attractivité et étoffe les plateaux de rallye helvétiques.

Quels sont les objectifs d’Auto Sport Suisse pour les 3 ou 4 années à venir ?

Conformément à nos lignes directrices et à notre stratégie pour les années 2020 à 2025, Auto Sport Suisse entend poursuivre la consolidation et, si possible, l’expansion de ses activités actuelles. Dans le domaine des technologies de l’information, nous voulons devenir plus numériques et continuer à automatiser le système de licences. Dans le domaine des offres de courses pour les pilotes, nous souhaitons optimiser les opportunités nationales, maintenir les manifestations de courses existantes et aussi les étendre dans la mesure du possible. L’offre de cours de formation continue pour pilotes, commissaires, fonctionnaires, etc. devra être adaptée et développée pour continuer à préserver les connaissances actuelles. Grâce à des activités accrues dans le secteur de la communication, nous souhaitons durablement augmenter notre présence dans les médias nationaux et encore mieux faire connaître le karting et les courses automobiles. Le réseautage politique sur le plan national doit devra mis en place et développé encore pour nous permettre d’assurer plus de durabilité au sport motorisé aussi sur le plan politique.

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